Repas mixés en EHPAD : indispensables ou fausse bonne idée ?

Publié le : 15/05/23
  • Les repas mixés sont très souvent prescrits aux seniors en EHPAD qui souffrent de difficultés de déglutition. Pourtant on le sait depuis longtemps la texture mixée ne protège que très imparfaitement de la fausse route et de ses conséquences... Yann Tannou, Orthophoniste libéral indépendant et formateur en prévention des troubles de la déglutition, nous explique.

    Trouble de la mastication, dysphagie et autres symptômes liés à la sphère bucco-pharyngo-laryngée constituent le quotidien de nombreux résidents en EHPAD. Et il est couramment admis qu’on administre à ces personnes âgées des repas mixés. Une erreur d’appréciation ?

    Associé dans l’imaginaire collectif au quotidien des personnes âgées, le repas mixé désigne une catégorie d’aliments dégustés à la cuillère, non collants, à la texture lisse, qui peuvent être ingérés sans mastication. Aujourd’hui, en EHPAD, par crainte des difficultés de déglutition et des fausses routes, les recettes de ce type sont surprescrites, alors même que les études scientifiques tendent à montrer qu’elles ne correspondent pas aux besoins des pensionnaires. Yann Tannou, orthophoniste spécialisé dans les troubles de la déglutition, formateur en prévention des dysphagies, fait le point sur les repas mixés, leurs écueils et leurs alternatives.

    Les repas mixés sont-ils si fréquents en EHPAD ? Yann Tannou

    Le propos étonne, dérange, fait voler quelques certitudes. Et pourtant, de l’avis de Yann Tannou, les repas mixés sont non seulement très fréquents en EHPAD, mais surtout… trop fréquents. « 91 % des seniors qui vivent en maison de retraite ont une alimentation trop simplifiée par rapport à leurs capacités réelles de déglutition, selon une étude publiée dans le Journal of the American Geriatrics Society. » Sur le terrain, cette surprescription se retrouve au menu. « Aujourd’hui dans une institution, on trouve un tiers de repas normaux, un tiers de repas hachés, et un tiers de mixés », énumère l’orthophoniste. Pour le soignant, la prédominance du mixé vient d’un malentendu, car ces recettes ne doivent s’adresser qu’à des cas très particuliers, notamment les pensionnaires fatigués après hospitalisation ou souffrant de problèmes de mastication à la suite d’un AVC ou d’une maladie neurodégénérative.

    Pourquoi les repas mixés protègent mal de la fausse route ? 

    Lorsqu’il forme des soignants, Yann Tannou a recours à un chiffre parlant : plus de deux tiers des fausses routes mortelles en EHPAD se déroulent avec des aliments mixés. « Avec cette statistique, on vient contrer une approche répandue, qui veut que le repas mixé soit considéré comme un médicament anti-fausse-route », explique-t-il avant de revenir, dans ses séminaires, sur les grands principes physiologiques de la mastication et sur les capacités de déglutition. Pour le praticien, la réintroduction d’une certaine quantité de petits morceaux dans l’alimentation s’avère plus efficace, puisque les repas mixés jouent davantage sur les problèmes de mastication que de déglutition.

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    Quels sont les risques liés à une utilisation abusive du mixé ? 

    La mastication est une fonction du corps humain, comme la marche. Or, ces fonctions nécessitent une pratique régulière pour être maintenues. « Si des repas mixés sont proposés systématiquement à un résident pouvant manger des morceaux, il va perdre progressivement sa capacité de mastication. Son plaisir de manger va s'étioler aussi. La mastication, c'est un peu comme la marche. Si une personne reste dans un fauteuil roulant et qu'elle n'est jamais sollicitée, sa faculté de marcher va disparaître au fil du temps. » Il convient donc de trouver le juste équilibre pour les personnes âgées, qui, certes, ne peuvent plus manger comme avant, mais perdent moins d’autonomie avec une alternative aux repas mixés en EHPAD, comme le propose l’offre Harmonie Textures.

    91 % des seniors qui vivent en maison de retraite ont une alimentation trop simplifiée par rapport à leurs capacités réelles de déglutition[…]

    Yann Tannou, Orthophoniste libéral indépendant et formateur en prévention des troubles de la déglutition

     

    Alors pourquoi ce frein au changement de texture ? 

    Faute d’informations, nombreux sont encore les établissements, mais aussi les familles, qui ne connaissent pas les avantages cognitifs et ergonomiques du retour à une alimentation solide à destination des pensionnaires en EHPAD. Des enjeux cruciaux de bien-être de la personne âgée et de lutte contre la dénutrition passent pourtant par un « changement de texture » des menus. Yann Tannou offre ses éclairages aux établissements intéressés, en revenant à cette occasion sur les bases physiologiques de cette évolution. Une manière de faire sortir les soignants de leur « zone de confort ». « Au cours des formations, je n’hésite pas à désamorcer les résistances des soignants », explique l’orthophoniste, pour qui le frein au changement de texture est surtout psychologique. D’où l’importance d’un accompagnement sérieux des équipes lors du passage du repas mixé à des plats avec morceaux.

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    Comment se déroule le passage du mixé aux morceaux ? 

    Les impératifs des recettes à destination des personnes âgées et/ou souffrant de dysphagie sont inventoriés par un organisme de prévention, l’IDDSI. Celui-ci fixe une nomenclature en fonction des capacités de mastication de chacun. Cette catégorisation permet d’adapter les menus de manière plus souple, et d’offrir des repas « intermédiaires » entre le tout-mixé et le tout-solide. C’est dans cette catégorie qu’intervient une offre comme Harmonie Textures. Dans un premier temps, les établissements qui souhaitent réintroduire des morceaux vont évaluer les patients qui peuvent en bénéficier. Ensuite, les cuisiniers formés à ces pratiques vont élaborer de nouveaux menus, testés par les soignants en formation. C’est là qu’intervient Yann Tannou, qui accompagne cadres de santé, équipe administrative, infirmières et aides-soignants dans ce processus.

    À la préparation des premiers repas, les EHPAD peuvent se tourner vers la hotline mise en place par Sodexo pour répondre aux questions techniques et médicales de cette démarche. « Ce n’est bien sûr pas un service après-vente de la dysphagie : les établissements vont remonter à notre équipe d’orthophonistes des problèmes rencontrés par tel ou tel patient, puis on va expliquer de manière concrète comment y répondre », témoigne Yann Tannou. Du reste, le changement de texture seul ne constitue pas l’intégralité de la démarche. Pour le bien-être des résidents, les soignants accompagnent également les pensionnaires dans le soin bucco-dentaire, la bonne posture à l’heure des repas, l’état de vigilance et l’autonomie des personnes âgées.

    Du repas mixé aux morceaux : une transition nécessaire 

    Contribuant à empêcher la perte de la fonction de mastication, à anticiper les difficultés de déglutition, à lutter contre les fausses routes et à améliorer le quotidien des personnes âgées, le repas avec réintroduction de texture constitue sans nul doute l’avenir de la restauration en EHPAD. « À l’heure où l’âge d’arrivée en EHPAD ne cesse d’augmenter, je pense que la majorité des résidents mangera à l’avenir en textures intermédiaires », anticipe Yann Tannou. Pour le formateur et orthophoniste, « il y aura encore quelques cas exceptionnels qui mangeront en entier, sans restriction, d’autres en mixés, faute de mieux en raison de leurs capacités, mais l’essentiel des repas servis, à mon avis, comportera des textures solides ». Le futur des maisons de retraite passe donc par cette alimentation en morceaux, possible par l’amélioration des textures. Si elle continuera à proposer une alternative en texture lisse, la cuisine des EHPAD ne pourra que s’améliorer par le biais d’offres comme Harmonie Textures.

    Accompagner les personnes âgées les plus fragiles et leur redonner envie de manger : c'est toute l'expertise de Sodexo mise au service des EHPAD grâce à l'offre Harmonie
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