Agenda 2030 de l'ONU : cap sur le durable
Entrevue avec Aaron Sherinian, Directeur de la Communication et du Marketing de la Fondation des Nations Unies.
Récemment publié par Sodexo, le Rapport « Workplace Trends » 2017 met en lumière dix tendances qui vont bientôt révolutionner notre manière de travailler. Aaron Sherinian, Directeur de la Communication et du Marketing de la Fondation des Nations Unies, tire le bilan des Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, lancés il y a un an.
Dans quel contexte ont été créés les Objectifs de développement durable de l'ONU ?
Aaron Sherinian : La Fondation des Nations Unies a été impliquée dès la phase de conception et de consultation, avant même l’adoption des ODD. Notre mission ? Définir des objectifs de développement durable à atteindre. Il y a un an, nous avons contribué à définir des objectifs au travers d’un processus politique et consultatif très ouvert, réunissant plus de 190 pays.
L’idée visait à ouvrir le dialogue sur ces thèmes, afin de mieux les comprendre et d’en faire un enjeu de société, partout dans le monde.
Ces objectifs ont fait l’objet d’une large consultation publique. La dimension participative de la démarche a été cruciale. Baptisée « My World », cette enquête a interrogé les citoyens sur leurs priorités en termes d’éducation, de santé, de préservation de l'environnement, de dérèglement climatique, etc. De ce processus sont nés les objectifs à atteindre. C’est l’une des plus larges études jamais menées à l'échelle mondiale.
Quels étaient les enjeux d’une telle consultation ?
A.S. : Nous avons lancé 17 objectifs mesurables autour de différents thèmes, tels que la santé, le bien-être, les hommes et la planète. La démarche consistait à inciter les entreprises et les organisations à adhérer à ces objectifs. Nous avons donc eu recours à une stratégie de branding, afin de les rendre plus « attractifs », non pas pour « vendre » ces ODD au sens marketing du terme mais pour les rendre acceptables.
Nous avons veillé à ce que ces objectifs soient accessibles et donc intelligibles pour chacun. Ceux-ci devaient également être multisectoriels, afin que les organisations – quelles qu’elles soient - puissent se les approprier pour partager une vision commune.
Prenons l’exemple de la malnutrition. Le seul moyen d’éradiquer la faim est de faire en sorte que chacun fasse de ce combat son quotidien. C'est la même chose avec la lutte contre le dérèglement climatique.
Les ODD ont ainsi vocation à créer une synergie globale, en reliant les causes universelles et les enjeux propres de chacun.
Quelles ont été les principales mesures prises par la Fondation des Nations Unies depuis l’adoption des ODD en septembre 2015 ?
A.S. : La Fondation a fermement soutenu l'ensemble des partenaires des Nations Unies : elle s'est ainsi assurée que le lancement des ODD bénéficie du soutien actif des secteurs à la fois privé et public, des médias mais également de la société civile.
Aujourd'hui, la Fondation évalue l’ensemble des initiatives réalisées en faveur de ces objectifs, en termes de sensibilisation et d’investissements programmatiques. Les ODD ont ainsi été assortis d’indicateurs-clés de performance qui nous permettent de mesurer les résultats, dans des domaines jugés souvent abstraits. Nous savons que ces données constituent de véritables enjeux de société, dignes d’être évaluées. En bref, nous comptons ce que nous mesurons et mesurons ce qui compte.
Nous sommes fiers de voir de plus en plus d’entreprises et d’ONG développer des plateformes et des outils afin d’évaluer, chacune à leur façon, les progrès réalisés dans la lutte contre la faim ou la pauvreté. C'est très encourageant.
Avez-vous remarqué si ces objectifs ont déjà été intégrés à la stratégie de certaines entreprises ?
A.S. : L’une des entreprises les plus proactives dans l’adoption de ces objectifs est la firme pharmaceutique américaine Pfizer. Durant les six premiers mois qui ont suivi le lancement des ODD, Pfizer les a associés à sa communication interne et externe. En outre, la société les a littéralement placardés sur les murs de son siège international à Manhattan. Il s’agit d’un signal fort adressé à ses collaborateurs, ses partenaires, ou toute personne pénétrant dans ses locaux.
Dans le même temps, nous avons vu des groupes religieux du monde entier recourir à ces objectifs universels pour s’adresser à leurs fidèles.
Les ODD sont bien plus que de simples instruments au service de la responsabilité sociale des entreprises. Ils sont une manière de mettre en avant une cause, en racontant une belle histoire.
Si je me sens concerné par la malaria, comment combiner mon combat contre la maladie à l’un de ces objectifs de développement durable ? Et si la vie aquatique me passionne, comment agir pour la préservation de la faune sous-marine tout en m'inscrivant dans un dessein global ?
Est-ce que les ODD ont été adoptés plus rapidement dans certaines organisations ?
A.S. : Je me réjouis de voir le secteur de l'entreprenariat social s’emparer pleinement de ces objectifs. Les entrepreneurs sociaux, par la nature de leur mission, savent à quel point la notion d'évaluation est importante. ENACTUS, le premier groupe d’étudiants entrepreneurs au monde, a entièrement redéfini les critères de son concours d'admission autour de ces ODD. Qu’il s’agisse d’un projet d’étude ou d’entreprenariat dans un autre pays, les objectifs sont devenus le critère minimum à atteindre.
Les sociétés de nouvelles technologies ont été particulièrement actives. Elles savent qu'à l'ère des réseaux sociaux, elles doivent être en mesure de discuter développement durable avec leurs clients. C'est un sujet qu’elles ne peuvent plus se contenter de reléguer dans un encart au chapitre 10 de leur rapport annuel mais qui doit désormais faire partie intégrante de leur quotidien.
Pour résumer, les entreprises les plus audacieuses ont été les premières à adopter ces ODD et depuis elles progressent rapidement.
Si vous deviez faire le bilan de cette année écoulée, quels seraient les points à retenir ?
A.S. : Nous devons avoir la possibilité d'évaluer ces ODD, non pas par obsession du résultat, mais pour avancer plus intelligemment. Lorsque nous avons lancé les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en 2000, nous avons parfois constaté un retard par rapport à certains indicateurs : cela a conduit la communauté internationale à se mobiliser pour activer un changement. Les Nations Unies, les entreprises ainsi que les groupes de pression se sont alliés pour nous remettre sur la bonne voie.
Nous devons utiliser les ODD pour valoriser notre action et pointer du doigt les domaines dans lesquels nous devons progresser et accélérer la cadence. Ces objectifs sont nécessaires afin d’évaluer nos avancées. L’idée n’est pas de nous féliciter de ce que nous avons réalisé, mais de savoir où nous devons agir davantage.