Repenser la robotique : le robot collaboratif, auxiliaire de l’homme au travail
Entrevue avec Bob Doyle, Directeur de la communication de l’Association for Advancing Automation (A3).
Le rapport « Workplace Trends » 2017 de Sodexo vient de paraître et met en évidence dix grandes tendances qui vont structurer notre environnement de travail aujourd’hui et dans les années à venir. Bob Doyle, Directeur de la communication de l’Association for Advancing Automation nous parle aujourd’hui des promesses de la robotique dans le monde du travail, facteur possible de spécialisation des humains dans des tâches plus valorisantes.
On parle beaucoup de « robots collaboratifs » au travail. Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit exactement ?
Bob Doyle : La robotique collaborative a fait son apparition sur le marché il y a quelques années. Il s’agit essentiellement de robots ou de technologies capables de travailler physiquement aux côtés de l’homme. C’est une évolution importante par rapport à la robotique industrielle d’ancienne génération. Pensons aux lignes de production automobiles autour desquelles s’activent des robots massifs assemblant des pièces à pas cadencé. Il est souvent obligatoire d’entourer ces robots de barrières protectrices, pour la sécurité des opérateurs humains. L’avènement de la robotique collaborative signifie qu’avec certains robots plus récents, ces barrières deviennent inutiles. Mais cela ne va pas sans contrepartie. Pour pouvoir travailler sans menacer la sécurité de l’homme, ils sont plus lents. Dans le même temps, ils représentent aussi de nombreuses opportunités : bien plus petits, d’un encombrement bien plus faible, ils sont plus faciles à programmer et mettre en œuvre. Ils ouvrent tout un champ de possibles, en particulier pour les PME qui n’ont encore jamais fait appel à la robotique.
Que va changer l’avènement de la machine intelligente au travail ?
B.D. : De nos jours les robots et machines autonomes peuvent circuler dans les entrepôts et, par exemple, aller chercher un produit sur un rayonnage et le remettre à quelqu’un. En milieu médical, les robots sillonnent les couloirs d’hôpitaux, distribuant médicaments, repas et draps à la place des infirmières, permettant à celles-ci de consacrer plus de temps aux patients. Dans le secteur hôtelier, le robot de Savioke, Relay, est la toute dernière recrue de certains établissements. Vous arrivez dans votre chambre d’hôtel tard le soir et avez oublié votre brosse à dents ? Au lieu de déranger le personnel de la réception pour qu’on vous en apporte une, c’est désormais le robot Relay qui s’en chargera.
Que répondriez-vous à ceux qui craignent que l’intelligence artificielle ne remplace un jour l’intelligence humaine ?
B.D. : L’expression « intelligence artificielle » est souvent galvaudée. Il me semble que les médias grand public en parlent comme si la machine allait prochainement penser par elle-même et prendre ses propres décisions. Ce n’est absolument pas le cas actuellement dans le monde de l’entreprise. Ni maintenant, ni dans un futur prévisible. Certes, il existe aujourd’hui des technologies formidables mais les robots sont encore loin d’être dotés d’une forme d’intelligence supérieure à celle de l’homme.
La robotique et l’automatisation permettent indubitablement d’obtenir des gains de productivité, de développer des produits plus innovants, de meilleure qualité et plus rapides. Ceci étant, il est faux de dire que les robots détruisent des emplois. On constate au contraire qu’ils en créent. Ils permettent aux hommes de se consacrer à des tâches plus gratifiantes qui sollicitent leur intellect plutôt qu’à des opérations monotones, salissantes et dangereuses.
Pouvez-vous nous parler de quelques-uns des freins ou obstacles qu’il convient de lever ?
B.D. : Il y a encore de nombreux défis en robotique qui ne sont peut-être pas aussi connus. Par exemple, il est très difficile d’obtenir du robot la même dextérité que l’homme lorsqu’il fait usage de ses mains. Si un robot manipule des produits de même type ou s’il accomplit une tâche répétitive, pas de problème : il peut facilement être programmé. Mais devant un conteneur remplis de produits en vrac entre lesquels il devrait choisir, avant de déterminer comment attraper l’objet de son choix, il est encore déboussolé. Il y a eu beaucoup de progrès mais le robot n’a pas encore la dextérité de la main humaine pour atteindre un objet, le saisir et le changer de place.
Quoi de neuf sur le front du prêt-à-porter technologique ? Y a-t-il des innovations qui entraînent des modes d’interactions avec le robot plus individuels ?
B.D. : C’est un domaine en pleine effervescence. Dans le secteur médical, une entreprise a créé un costume « robot », qui a permis à un paraplégique de remarcher. Dans le secteur militaire des recherches ont été menées pour créer une combinaison permettant de porter sans fatigue des charges lourdes. Dans les entreprises, une nouvelle solution robotique se développe pour seconder les travailleurs manuels. Imaginons un opérateur qui passe sa journée à percer des trous au plafond. Il fait là un métier fatigant. Mais cette nouvelle invention lui offre un accompagnement, permet à l’opérateur de se fatiguer moins vite et améliore ainsi ses conditions de travail.
Auriez-vous un pronostic quant au futur de la robotique ?
B.D. : On rêve depuis environ 50 ans d’un robot « auxiliaire de vie ». Un robot capable d’aider une personne à sortir du lit, de préparer un repas, faire le ménage ou qui permettrait aux personnes âgées d’être maintenues à domicile, plutôt qu’envoyées en maisons de retraite. Mais les recherches en robotique, engagées depuis si longtemps, constatent que l’environnement le plus difficile à appréhender pour un robot est la maison. Les gens regardent des films et pensent que le robot ménager fera bientôt son entrée dans les foyers. Or il n’y a guère eu qu’un seul robot ménager qui ait fait ses preuves : l’aspirateur Roomba ! Mais l’intérêt et les recherches menées dans ce domaine restent soutenus si bien qu’un jour dans le futur, ce genre de robot ménager fera son apparition. Pour l’heure, nous en sommes encore loin.