Approche Globale du Bien-Être au Travail
Entrevue avec le Dr. Glorian Sorensen, Directrice et Enquêtrice Principale du Centre pour le Travail, la Santé et le Bien-Être de l’École de Santé Publique de Harvard.
Le rapport « Workplace Trends » 2017 de Sodexo vient de paraître et met en évidence neuf grandes tendances qui vont structurer notre environnement de travail aujourd’hui et dans les années à venir. Nous avons sollicité le Dr. Glorian Sorensen, Directeur et Enquêteur Principal du Centre pour le Travail, la Santé et le Bien-Être de l’École de Santé Publique de Harvard, pour nous parler de l’évolution de l’environnement de travail vers des pratiques de santé et de sécurité plus globales.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre mission pour le Centre pour le Travail, la Santé et le Bien-Être et au titre du programme « Total Worker Health » ?
Dr. Glorian Sorensen : Notre mission première consiste à imaginer des politiques, des programmes et des pratiques à même de protéger les travailleurs contre les risques et les accidents liés au travail, tout en promouvant leur santé et leur bien-être global. Nous essayons de comprendre en quoi certains facteurs inhérents aux conditions de travail peuvent avoir de réelles répercussions sur la santé.
Traditionnellement, nous avons tendance à aborder les questions de santé et de sécurité au travail sous le seul angle des accidents et des maladies professionnels imputables à une glissade, une chute ou une exposition à un risque. Mais nous admettons que l’environnement de travail peut induire d’autres formes de pathologies : maladies chroniques ou non transmissibles, troubles de la santé mentale. Par exemple, le harcèlement au travail est un facteur de stress psychologique et l’insomnie est corrélée à différentes affections secondaires telles que l’obésité.
Diriez-vous que l’environnement de travail évolue vers une approche plus globale de la santé et de la sécurité des travailleurs et si oui, en quoi ?
Dr.G.S. : Aujourd’hui, beaucoup d’organisations, de praticiens et de chercheurs continuent certainement d’appliquer une approche traditionnelle de la santé. J’ai pour ma part le sentiment qu’il faut tendre vers une approche plus globale. Il nous faut admettre que les comportements adoptés au travail et les risques auxquels le travailleur s’expose en termes de santé et de sécurité sont intimement liés à l’expérience de l’environnement professionnel. Ce qui doit amener à prendre en considération différents critères importants : le contexte social, le contexte physique, l’expérience de l’environnement de travail et l’environnement professionnel. Ne pas tenir compte des facteurs qui influencent ces comportements ou ces risques nous prive d’une chance de pouvoir y remédier efficacement. Notre but est donc de compléter l’approche traditionnelle des problématiques de santé et de sécurité au travail par un décryptage des différents mécanismes par lesquels le travail influe sur la santé des travailleurs.
Au-delà des conséquences pour la santé des travailleurs, nous avons commencé à nous intéresser aux répercussions de ces risques sur les employeurs. Nous cherchons à identifier les facteurs de risque susceptibles de se répercuter sur l’absentéisme ou le taux de rotation des effectifs, les coûts de santé et autres facteurs certes importants pour les employés, mais aussi source de préoccupation pour les employeurs. Par exemple, nous avons étudié les effets de l’intimidation et du harcèlement au travail et leur corrélation avec une demande accrue de prise en charge psychologique. Nous voyons à ce seul exemple que l’expérience de l’environnement de travail peut avoir un coût direct (prise en charge thérapeutique) ou indirect (absentéisme ou présentéisme, chiffre d’affaires).
Quels seraient les domaines à améliorer selon vous ?
Dr.G.S. : Nous avons beaucoup axé notre approche sur le risque et la prévention en cherchant à maintenir un niveau de santé minimum, mais peut-être ne nous sommes-nous pas suffisamment intéressés à la notion d’épanouissement. En quoi le travail peut-il rendre heureux et épanoui ? Le besoin de se recentrer sur les éléments positifs se ressent de plus en plus. Par exemple, ne plus seulement chercher à réduire le phénomène d’intimidation, mais plutôt à créer un environnement qui donne envie aux gens d’aller y travailler.
Le Retour sur Investissement restera-t-il le critère de mesure de référence dans ce nouveau mode d’appréhension globale du bien-être ?
Dr.G.S. : Les experts tendent de plus en plus à privilégier la notion de valeur ajoutée à celle des coûts. Il arrive que la valeur ajoutée dépasse l’investissement, notamment lorsqu’elle s’exprime par une amélioration du moral, ou contribue à forger une image positive de l’entreprise.
Si nous replaçons ces problématiques dans une perspective mondiale, observe-t-on des différences régionales ?
Dr.G.S. : Nous échangeons avec des individus d’un tas de lieux différents. En Europe, certains de ces facteurs organisationnels et les dimensions sociopsychologiques du travail sont depuis longtemps à l’étude. Les Australiens placent les conditions de travail au cœur d’une approche intégrée de la santé et de la sécurité. Nous collaborons aussi étroitement avec le Chili et le Brésil autour de certaines de ces approches. Tous ces exemples illustrent une tendance globale à la convergence de ces enjeux.