Intégration des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies au monde du travail d’aujourd’hui
Entrevue avec Neil Barrett, Senior Vice President en charge de la Responsabilité d’Entreprise au sein du Groupe Sodexo.
Le rapport « Workplace Trends » 2017 de Sodexo vient de paraître et met en évidence neuf grandes tendances qui vont structurer notre environnement de travail aujourd’hui et dans les années à venir. Neil Barrett, Senior Vice President en charge de la Responsabilité d’Entreprise au sein du Groupe Sodexo, nous explique en quoi les ODD nous amèneront à appréhender autrement le lieu de travail.
Vous avez assisté à la réunion du Global Compact des Nations Unis où les Objectifs de Développement Durable (ODD) ont été présentés en juillet dernier. Vos impressions ?
Neil Barrett : Les ODD sont portés par une vaste communauté d’acteurs, pouvoirs publics, entreprises, ONG, syndicats, institutions et société civile. Ce qui marque pour moi une réelle avancée par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, qui n’engageaient que les gouvernements. À travers nos clients et nos échanges avec différents acteurs, nous constatons que ces Objectifs tiennent déjà une place importante dans la stratégie des entreprises. Dans leur manière d’aborder leur responsabilité et d’intégrer les ODD à leurs propres objectifs.
En quoi les ODD vont-ils vont faire évoluer notre environnement de travail selon vous ?
N.B. : Ces 17 Objectifs vont amener la société, les communautés et les entreprises à interagir différemment sur la question du Développement Durable et de la Responsabilité d’Entreprise.
S’agissant de Sodexo, l’Objectif numéro 5 va clairement dans le sens de la politique que nous menons depuis de nombreuses années en matière de diversité et d’inclusion. Il définit également les modalités de réalisation de cet Objectif et les actions à mettre en œuvre.
J’ai moi-même deux petites-filles de sept ans, et j’espère qu’à l’âge où elles entreront sur le marché du travail, elles n’envisageront même pas que les inégalités homme/femme aient pu constituer un enjeu au début de notre siècle. Qu’elles évolueront dans un monde où ces disparités appartiendront à la préhistoire. Que la question ne se posera même plus, tant la parité sera ancrée dans leurs vies.
Hier, défendre le Développement Durable n’était pas considéré comme une stratégie gagnante pour les entreprises, qui sont aujourd’hui nombreuses à s’engager, spontanément et à la demande des clients ? Que pensez-vous de cette évolution ?
N.B. : Les entreprises responsables, qui s’emploient à améliorer leur performance en matière de Développement Durable, sont de plus en plus attractives, notamment pour les jeunes de la génération Y qui font leur entrée sur le marché de l’emploi. La prise de conscience tend à se généraliser aussi chez les employeurs. Il importe de consolider cette tendance en renforçant leurs connaissances et leurs compétences, et en prouvant l’utilité de tels comportements au-delà de la sphère professionnelle. Par exemple, lutter contre la surconsommation d’eau et d’énergie ou contre le gaspillage alimentaire constitue un exemple d’excellence opérationnelle, mais peut également contribuer à diminuer l’empreinte écologique à la maison.
Avez-vous constaté des différences entre pays en termes d’adhésion à ces critères et de réglementation ?
N.B. : Sans généraliser, je pense que le défi sera plus difficile à relever dans certains pays émergents. Ce que je trouve fascinant est que 193 pays aient signé ces ODD. Un tel engagement mondial sur des thématiques d’une telle diversité est historique, et me rend très optimiste quant à leur avenir. Pour l’heure, on observe différents stades de maturité et certaines parties du monde ne sont pas aussi avancées en termes de Développement Durable. Des initiatives et des projets de plus en plus nombreux sont déployés pour les aider, les encourager et leur donner les clés qui leur permettront d’agir sur la question.
Observe-t-on une adoption plus rapide de ces Objectifs dans certains secteurs ?
N.B. : Aujourd’hui, de nombreuses organisations multinationales accomplissent de grandes choses. Elles Insufflent le changement en faisant converger leurs objectifs avec les ODD. Reste à relever un défi important : celui de mobiliser les petites et moyennes entreprises. Malgré l’engagement des grandes entreprises et des gouvernements, certains indicateurs font du sur place ou n’avancent pas assez vite à l’échelle de la planète. D’où la nécessité d’engager plus avant les PME dans cette mouvance globale.
Comment peut-on amorcer ce processus ? Sur la base d’exemples concrets ?
N.B. : Tout comme les ODD ont été élaborés dans une démarche concertée (avec les gouvernements, les municipalités, les ONG et les entreprises), je pense que les entreprises adopteront de meilleures pratiques par le biais du reporting, de la transparence et de la réglementation. Prenons l’exemple du gaspillage alimentaire : de plus en plus de municipalités ou de régions du monde légifèrent contre le déversement de matières organiques. Il s’agit d’un moyen de faire évoluer les choses. De repenser la chaîne de valeur. D’imaginer une économie circulaire qui mettrait fin à la notion de déchet, fondée sur la valorisation des ressources et la création de boucles de valeur, pour remplacer le système plus linéaire que nous avons aujourd’hui, qui nous amène à produire, consommer puis jeter. Cette approche n’est pas durable et n’est pas viable à l’avenir.
Comment ces ODD s’intègrent-ils à la stratégie future de Sodexo ?
N.B. : La plupart des grands groupes suivent leur propre feuille de route en matière de Responsabilité d’Entreprise, laquelle détermine ce qui est important pour eux en tant qu’organisation, et pour les acteurs de leur écosystème. Idéalement, les entreprises vont aligner ces engagements ou objectifs avec les ODD appropriés. Il y a quelques années, par exemple, Sodexo a pris la décision de ne servir que du poisson et des fruits de mer issus de la pisciculture durable dans tous ses restaurants, et ce partout dans le monde. Une manière pour le Groupe d’exprimer son attachement à la protection de l’environnement. C’est en partie ainsi que nous progresserons, en faisant les bons choix. Des choix bien expliqués, bien définis, et exemplaires.
Une entreprise comme Sodexo a la responsabilité de porter un message autour de l’alimentation durable. De sensibiliser et d’encourager les consommateurs à faire des choix sains. S’il appartient au consommateur de prendre la décision finale, il nous incombe en revanche de les informer, de les engager et de les sensibiliser aux produits que nous servons.