Cultiver son Personal Branding : l'indispensable sésame professionnel

Entrevue avec Jeanne Meister, Co-fondatrice de Future Workplace LLC.

Bob DoyleLe Rapport « Workplace Trends » 2017 de Sodexo vient de sortir et pointe du doigt les neuf grandes tendances qui vont, aujourd’hui et dans les années à venir, changer la donne dans notre environnement de travail. Nous nous sommes entretenus avec Jeanne Meister, Co-fondatrice de Future Workplace LLC, pour comprendre l’importance du Personal Branding.

En quoi le Personal Branding a-t-il évolué en entreprise au cours des cinq dernières années, et continue-t-il de s’imposer comme une tendance forte du recrutement, tant pour les candidats à l’emploi que pour les recruteurs ?

Jeanne Meister : On distingue classiquement deux types de chercheurs d’emploi : les actifs et les passifs. Traditionnellement, les employeurs ont toujours privilégié la deuxième catégorie, jugée plus désirable car épanouie dans son travail. Mais aujourd’hui, la technologie a créé un troisième segment, qui rassemble ceux qui sont constamment à l’affût d’une opportunité sur le marché de l’emploi et multiplient les candidatures.

Nous disposons aujourd’hui d’applications mobiles calquées sur le modèle de l’application Tinder. Le candidat se crée un profil (nature de l’emploi recherché, lieu où il souhaite travailler, compétences) et tout comme sur l’application de rencontres, peut d’un simple swipe valider sa candidature. En cela, la technologie vient casser les codes du schéma classique de recrutement.  De plus, les chercheurs d’emploi n’attendent plus d’être approchés : ils assurent leur visibilité sur les réseaux sociaux et LinkedIn, et y développent leur propre marque personnelle.

Qu’entendez-vous par « Marque Personnelle » ? Et comment peut-on améliorer sa propre marque ?

J.M. : Le chercheur d’emploi doit d’abord s’informer du rayonnement et de la qualité de ses relations LinkedIn, être proactif en faisant partie de groupes et en publiant des posts de qualité, être présent sur Twitter et se distinguer par la qualité des contenus qu’il partage dans son domaine d’expertise. Tout cela vous permet de développer une « marque personnelle » et c’est elle qui va vous permettre de décrocher votre prochain emploi – et non votre CV, ni un cabinet de chercheurs de tête. C’est à vous de vous rendre aussi désirable que possible aux yeux de toutes les organisations à la recherche de profils tels que le vôtre. L’image publique que vous avez ainsi créée constitue un réel outil de mesure de votre employabilité sur le marché. Je pense qu’il s’agit d’une nouvelle compétence à part entière et partant, qu’il importe que chacun y excelle.

Reste à se demander où apprendre et enseigner cette discipline si importante. Car elle ne s’apprend pas à l’école et il est peu probable qu’un employeur dispense une formation en Personal Branding. Charge à chacun de construire sa propre image. Je pense qu’il s’agit d’une nouvelle compétence professionnelle qu’il faudra maîtriser à tous les niveaux : aussi importante pour la génération Y qui souhaite faire évoluer sa carrière, que pour les Boomers dont je fais partie, qui veulent continuer à progresser dans leur champ d’expertise.

Avez-vous identifié des tendances à venir dans les méthodes de recrutement appliquées aux Etats-Unis et ailleurs ?

J.M. : D’après les études de marché et nos propres recherches internes, les grandes tendances que nous voyons émerger sont le Mobile First, qui reflète les nouvelles stratégies des marques ; les entretiens vidéo, pratique désormais la plus utilisée pour trier les nombreux candidats adressant tous les mêmes questions ; et le recours à l’analyse prédictive qui consiste pour les entreprises à explorer les réseaux sociaux pour identifier les profils ayant les compétences et l’image personnelle qu’elles recherchent sur le marché.

Quand on parle de Personal Branding, quelle est la part de personnel et de professionnel ?

J.M. : La frontière entre les deux est ténue, tout comme dans la vie. Nous ne travaillons plus de 9h à 17h, et vies professionnelle et personnelle sont intimement liées. Cela étant, une marque personnelle doit à mon sens refléter l’essence de ce qu’est une personne, tant sur le plan personnel que professionnel.

Il y a tout juste cinq ans, je me souviens de clients qui avaient une page Facebook et un compte LinkedIn et m’envoyaient par mail « ne le prenez pas contre vous personnellement, mais je vous supprime de mes amis Facebook car j’ai décidé de restreindre Facebook au cercle de la famille et LinkedIn au cercle des relations professionnelles. » Cela ne se produit plus. Rien n’est plus cloisonné. Notre existence s’affiche mondialement sur les réseaux par l’image et la présence que nous nous sommes créées. Si vous ne trichez pas, votre personnalité doit être conforme à l’image que vous donnez à voir.

Le Personal Branding irait dans le sens de plus d’authenticité. Cette tendance se confirme-t-elle ?

J.M. : Tout à fait. L’authenticité est d’une importance capitale de nos jours. Prenez l’exemple de Marc Beinoff, qui milite pour l’égalité des sexes. Il a fait de sa cause sa marque personnelle ainsi que la marque de l’employeur Salesforce.com. Les chefs d’entreprise sont nombreux à être devenus militants sociaux, en mettant leur marque personnelle et professionnelle au service d’enjeux importants, conscients du pouvoir qu’ils détiennent de se faire entendre. On observe la même tendance chez le P.D.-G. de H&M qui a amorcé le débat sur le droit salarial avec le Premier Ministre du Bangladesh. Un tiers des vêtements H&M sont fabriqués dans ce pays et la marque a fait de la sécurité des employés une cause personnelle. Je pense que cette tendance ira en s’accentuant. On la voit se répandre au niveau des dirigeants, et elle tendra, je pense, à se généraliser. Nous en sommes parvenus à un stade où quiconque ne prend pas position sur une problématique sociétale importante en devient presque suspect.

Ces tendances semblent susciter de l’optimisme quant à l’avenir de notre monde, qui tendrait à devenir moins superficiel, moins distant. Qu’en pensez-vous ?

J.M. : Je partage ce point de vue. Dans ce cas précis, la technologie exerce un impact favorable sur la vie des individus. La technologie est si souvent accusée de causer des pertes d’emplois, d’être nocive. Voilà un exemple qui va à l’encontre de cette réputation, qui prouve que la technologie peut induire des changements durables.

 

Jeanne Meister, Co-fondatrice de Future Workplace et co-auteure de The Future Workplace Experience: 10 Rules For Mastering Disruption In Recruiting and Engaging Employees 
Suivez Jeanne sur Twitter à @jcmeister

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Workplace trends report cover

Paroles d’experts

Pour réaliser le Rapport Mondial 2017 sur les Tendances au Travail, nous avons sollicité des personnalités influentes. Découvrez le point de vue d’experts.