Parmi tous les effets pervers du Covid, on remarque que les personnes qui se sentent déjà marginalisées le sont encore plus en ce moment.
En effet, la pandémie a amplifié l’isolement des personnes en situation de handicap, qui se voient privées de services qui leurs sont essentiels comme par exemple les transports, les services de proximité ou qui subissent toutes les « mesures préventives généralisées» qui ne tiennent pas en compte de leur singularité.
Par ailleurs, les personnes vulnérables ne sont pas seulement plus exposées, le Covid à lui seul est une source de handicap à grande échelle. Parmi les 40 millions de personnes qui ont survécu au virus, nombreuses sont celles qui vont désormais subir les effets secondaires comme : la perte de l’odorat, les essoufflements ou maux de tête chroniques. Une enquête menée en Italie a révélé que pas moins de 44% des patients-Covid pourraient souffrir de ces pathologies et voir leur qualité de vie se détériorer.
C’est une situation très préoccupante si on considère que d’ordinaire, les employeurs ne sont déjà pas réputés « sensibles » à la cause du handicap. Dans l’étude menée par Sodexo au Royaume-Uni, on découvre que seule la moitié des personnes interrogées a affirmé que leur employeur avait adopté la bonne attitude face au problème du handicap. Si 75% des personnes interrogées ont pu en parler avec leur supérieur hiérarchique, un tiers de ceux qui ne l'ont pas fait ont eu peur des répercussions.
Autant dire que la négociation sur le lieu de travail peut être particulièrement délicate pour les personnes en situation de handicap. Vais-je être victime d'abus ou de brimades en raison de mon handicap ? Serai-je considéré comme inférieur ou gênant parce que j'aurai besoin d'aménagements ? Ma candidature sera-t-elle ne serait-ce que prise en compte pendant un recrutement si je révèle mon handicap ? Ces situations, lorsqu'elles ne sont pas suffisamment anticipées par les employeurs, amènent souvent les personnes en situation de handicap à se sentir encore plus diminuées, voire exclues.
De ce fait, il est évident que les changements organisationnels tels que la mise en place d'une politique de non-discrimination à l'égard des personnes en situation de handicap, la mise en place d'aménagements et la responsabilisation des groupes de soutien animés par des cadres sont d'excellents moyens de rendre le lieu de travail plus inclusif.
Mais, plus fondamentalement, nous devons, en tant qu'individus, devenir plus « ouverts au handicap ». C'est notre propre incapacité, résultant d'un manque de confiance pour aborder les handicaps ou de l'ignorance dans le cas le plus bénin, à la discrimination pure et simple dans le pire des cas, qui nous empêche de progresser. Ces préjugés inconscients ne font pas de nous des mauvaises personnes pour autant. Au contraire, ils nous rendent humains. Les remarques insultantes tournées en compliments, les blagues de mauvais goût, les conseils gratuits, tout cela vient de notre mauvaise compréhension en tant que personne valide - de corps, et d’esprit. Nous supposons naturellement, mais à tort, que notre façon de vivre et d'interagir avec les autres est naturelle et normale. Cependant cette façon de penser a des conséquences malheureuses : 79 % des personnes en situation de handicap estiment que cette attitude ne leur permet pas de créer ni de capitaliser sur la confiance.
Le premier des préjugés, commun au plus grand nombre, est de penser que seuls les handicaps visibles sont des handicaps à part entière, quand la réalité est tout autre. Les troubles psychiques (anxiété, sensation de vide, trouble de la concentration) mais également d’ordre physique (instabilité, perte d’équilibre, paralysie, troubles de la coordination, douleurs chroniques, perte des sens) sont tous sauf visibles – et cela oblige 45% des personnes qui vivent ces troubles au quotidien à devoir expliquer leurs besoins à des fournisseurs ou des vendeurs.
Il est primordial de pouvoir comprendre ce que veut dire « être en situation de handicap » – ce à quoi 20% d’entre nous pourront être confrontés à un moment de leur vie – afin que notre société progresse. Certes, au début de notre carrière, nous n’imaginons pas entrer un jour dans cette catégorie, mais avec l’âge, rien n’est moins certain.
Il est temps d’agir, de nous confronter à nos préjugés, de changer et de devenir plus ouvert au handicap – pour ceux qui sont en situation de handicap aujourd’hui mais également pour ceux qui, un jour et donc potentiellement chacun de nous, pourrait l’être un jour.
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